lundi 29 février 2016

Otis

Otis. 
Même pas Redding. Même pas l’ombre d’un quai de la Baie ou d’une fille. Même pas le second de Lex Luthor dans les Superman de mon enfance. Même pas son prénom. Tout juste le nom d’une entreprise apposé sur le torse d’une blouse de travail. Otis, appelons-le ainsi tout de même, est dans nos locaux pour réparer les cabines d’ascenseur. Otis va et vient au cours de la journée entre les différents niveaux, passant une partie non négligeable de son temps convenablement harnaché et à califourchon au-dessus d’une de ces cabines. Otis porte quasiment tout le temps son casque de chantier, ses chaussures de sécurité et porte au bout des doigts les stigmates du travail manuel que je n’aurai jamais, étant bien en peine de faire autre chose que le plein et les niveaux sur ma vieille anglaise. Otis trimballe souvent avec lui différents outils et instruments dont l’utilité et le maniement me sont tout à fait étrangers. Otis et moi nous croisons et nous côtoyons sans nous fréquenter. Ce ne sont pourtant pas les points communs qui nous manquent. Otis et moi avons des collègues de travail, Otis et moi buvons le matin un café avant de démarrer notre journée de travail, Otis et moi passons la plupart de nos heures ouvrées au même étage… La litanie de ces comparaisons ridicules pourrait continuer encore. Je n’ai jamais éprouvé le besoin de dire plus que « bonjour » ou « bonne journée » à Otis et le soupçonne d’avoir à mon encontre à peu près le même entrain. Otis fait donc partie de mon cadre professionnel depuis ce début d’année et a priori jusqu’à l’été, si j’en crois le planning affiché par son employeur éponyme, à l’instar de tout autre élément de décor.
Pourtant ce matin Otis m’a fait sourire. Comme ça, en un instant et pour quelques secondes. Comme ça, en titillant sans certainement y penser la moindre seconde, certains de mes instincts déviants qui font interpréter nombre de choses de façon déraisonnable. Non pas avec sa grosse clé anglaise ni avec ses chaussures de sécurité aux bouts élimés. Bien plus simplement. Avec un paquet de collier de serrage.
Il est temps que les vacances arrivent. Là où les considérations mécaniques seront réservées au seul plaisir de sentir les odeurs de mon vieux moteur et du cuir qui chauffent au soleil. 

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